pilori et gémonies

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vendredi 26 août 2022

Pros, profs, le malentendu

Ugo Bienvenue, étoile de la nouvelle génération d’illustrateurs et de réalisateurs d’animation, le bg de la bd, s’exprime dans la revue “les Arts Dessinés” (juin 2022) et parle de ses débuts.

Je tique évidemment sur les quelques lignes qui concernent son passage dans la formation où j’enseigne depuis 20 ans :

je fais six mois d’animation à l’ESAAT à Roubaix pour une DMA cinéma d’animation avant d’en partir, la faute à des professeurs qui enseignent l’animation sans en avoir jamais fait.

Passons sur la formule désobligeante (et définitive) qui consiste à faire porter la responsabilité de ses propres choix sur les défaillances des autres, Ugo ne manque pas de talent ni de l’arrogance qui va - hélas - parfois avec.
Dans mon souvenir, c'était un étudiant amorphe, dormant sur les tables - au point que c’était devenu un sujet d’inquiétude entre collègues - ne rendant aucun exercice et faisant de toutes façons peu de cas des enseignements donnés à la classe.

Trop talentueux déjà pour profiter de ce qui lui était enseigné à l’époque, trop dépité peut-être d’avoir atterri dans une formation de province après un échec aux prestigieux gobelins parisiens ? Je l’ignore mais dans mes souvenirs il a quitté la formation vers Noël, il faudrait donc plutôt parler de trois mois de formation.

Mais sa formule narcissique peu respectueuse autant que gratuite pointe un sujet qui m’agace depuis des années que j’enseigne et que j’observe les écoles et enseignements en tous genres : pour enseigner un domaine il faudrait être (ou avoir été) un·e professionnel·le de ce domaine. Bon ou mauvais, qu’importe, le passage par les ateliers de fabrication validerait votre enseignement du sceau de la performance et de l’efficience.

Et, évidemment, je ne suis pas d’accord, sinon je ne me fatiguerai pas à écrire cette note.

Je le répéterai toujours : un·e bon·ne professionnel·le ne fait pas toujours un·e bon·ne enseignant·e, et réciproquement.
Enseigner c’est un métier - on dit parfois que c’est le plus beau du monde. Savoir construire une progression, mettre des savoirs et connaissances à la portée d’un public novice, préparer ses cours, évaluer les travaux, conseiller… Mais aussi se former, mettre à jour ses propres connaissances, entretenir des liens avec la profession, organiser des ateliers, des interventions, le tout en essayant de capter l’attention, de ne pas ennuyer, encadrer, accompagner et parfois réorienter, quel que soit le domaine enseigné, c’est un travail à plein temps.

Alors évidemment, surtout dans un domaine technique, il est préférable de savoir de quoi on parle mais un·e professionnel·le aura parfois du mal à hiérarchiser ses connaissances, à les mettre à la portée de son public, à évaluer la progression du groupe, à se remettre en question.

Un exemple pris sur le site d'une école privée

Bien sur, il y a de mauvais profs, comme il y a de piètres professionnels, et évidemment il y a aussi des professionnel·le·s excellent·e·s pédagogues, mais je me refuse à cette équation simpliste de professionnel·le = bon professeur que beaucoup de formations privées affichent et qui ressemblent plus à de l’attrape nigaud.

Donc oui, les enseignant·e·s en animation de l’ésaat ne sont pas toujours des professionnel·le·s, ce sont des enseignant·e·s, expérimenté·e·s, consciencieux·ses, impliqué·e·s, j’ai un profond respect pour elleux - auprès de qui j’ai appris mon métier, ce sont de fins connaisseurs du milieu. Et ça n’est pas facile pour elleux quand on sait combien iels sont livré·e·s à eux-même par une institution peu dynamique à les former.
D’ailleurs l’équipe pédagogique, soudée, est depuis toujours épaulée par des professionnel·e·s - vacataires - intervenant·es dans la formation d’animation : animateurs, boardeurs, scénaristes... dont la présence aura échappé à notre génie démissionnaire.
Et nombreux sont les profils passés par la formation d’animation à l’ésaat qui brillent dans la profession : Pozla, Amélie Fléchais, Kalkair, Alexis Beaumont, Nicolas Athané, Cyril Drouin, Slimane Aniss, Mélanie Duval, Kim Ettinoff, Gilles Cuvelier, Camille André, pour ne citer que quelques ancien·ne·s sans parler des centaines de technicien·ne·s devenu·e·s des professionnel·le·s reconnu·e·s et apprécié·e·s et qui ont su profiter des enseignements de l’équipe de Roubaix.

Ugo n’a pas voulu profiter de la formation ? Grand bien lui fasse. Mais je ne pense pas qu’il n’y ait eu de “faute” de notre côté, juste une incompatibilité d’humeur avec le futur créateur de ces élégants néo-comics amphigouriques.

Dont act.

dimanche 1 décembre 2019

Les dossiers formation en Design Graphique et Animation

 

Encore une fois, oui, ENCORE une fois, il faut qu'un journal culturel, ici Télérama dans son numéro 3646 du 30 novembre 2019, se fende d'un "dossier" sur les formations en Design Graphique et cinéma d'animation. Quand on est comme moi enseignant dans ces deux disciplines, ce genre de dossier à de quoi énerver. Car encore une fois ce dossier fait la part belle aux formations privées et semble ignorer qu'il existe quantité de formations publiques qui dispensent - gratuitement - des formations équivalentes.

Repérons ensemble sur le dernier dossier les citations de formations publiques (surlignées en bleu) et privées (surlignées en orange).

 


Le paradoxe qu'on peut souligner dès le départ c'est que sur les artistes interviewés trois sur quatre sont issus de formations publiques (La Cambre en Belgique et ENSAD Paris). Notons également que la grande majorité des publicités associées à l'article sont de boites privées mais ça n'a rien d'étonnant quand on sait que les écoles publiques n'ont simplement pas de budget pour communiquer.

Le problème ce sont surtout les encadrés "les écoles" qu'on trouve sur les deux domaines.
 


Celui du Design Graphique est composé ainsi : un pavé introductif général pour dire que plein de formations publiques existent, ensuite une liste de 8 écoles, citant à égalité public et privé.
Ce qu'oublie de mentionner ce dossier, en citant LES écoles (pas "des" ni "quelques", hein... "les".. comme s'il n'y en avait pas d'autres) ce sont rien qu'à Paris les écoles Duperré, Renoir ou Prévert (Boulogne-Billancourt), formant toutes trois depuis des années au même titre que l'ENSAAMA ou Estienne. Et en province ? Puisque le dossier cite l'école privée de Nantes, il aurait aussi pu citer une des 38 formations publiques en design graphique DNMADe ? Chaumont, Rouen, Roubaix, Marseille... Elles sont toutes citées ici, on a l'embarras du choix, sans parler des privées sous contrat avec l'état (au moins 5 en design graphique), tout aussi valables et bien moins onéreuses que celles citées.
Que dire d'ailleurs des écoles de BeauxArts ou dépendantes du ministère de la culture dont certaines sont spécialisées en Design Graphique et d'un excellent niveau ? L'Esad d'Amiens ? D'Orléans ? De Cambrai ? Du Havre ?

 


Pour ce qui est des formations en cinéma d'animation c'est plus compliqué car 90% (estimation au doigt mouillé) de la formation dans le secteur est privée, tant pour des raisons économique qu'historique et parce que le métier nécessite souvent des formations modulables et techniques que l'éducation Nationale peine à encadrer. Mais elles existent : en plus des deux citées dans le dossier (ENSDA, Paris8) au moins 4 établissements publics dispensent un DNMADe en cinéma d'animation (Estienne Paris, Esaat Roubaix, Cournon d'Auvergne, Marie Curie Marseille), plus Sainte Geneviève à Paris (privé sous contrat). C'est quand même dommage de les oublier, non ?

La dernière bétise de l'article se trouve dans l'encadré "Les dipômes" qui cite deux formations qui ne recrutent plus (BTS et MàNAA) et qui sont donc totalement inacessibles aux lecteurs et lectrices de ce dossier. A quoi bon citer deux anciennes formations dans ce type de dossier ?

Mais pourquoi donc ce dossier semble si mal renseigné ?

indigence ou intérêt ?

Il faut probablement y voir une certaine indigence journalistique, bin si... il faut bien appeler cela ainsi. On peut aussi y voir un intérêt financier, les écoles privées étant les clients du Média Télérama, dispenseur de publicités à un public choisi de lecteurs amateurs de prescription culturelle.
Mais ça tient surtout probablement au contexte de ce dossier : le salon "Start" dont Télérama est partenaire avec Le Monde. Tous ces salons, génériques (de l'étudiant, des formations professionnelles, des métiers, etc) ou spécialisés (des métiers de la création, des métiers de bouche, du bien-être, des professions médicales, etc.) s'ils sont gratuits pour les visiteurs sont PAYANTS pour les exposants.


Et qui peut se payer - souvent très cher - une place visible à ces salons ? Qui peut aussi financer des hotes et hotesses qui font le pied-de-grue  le temps d'un weekend en distribuant des plaquettes clinquantes sinon les formations privées dont le système financier repose sur la visibilité et la séduction ?

Les formations publiques n'ont aucun moyen à dépenser pour aller là-bas, aucune ristourne, et peu d'enthousiasme chez les enseignants à aller jouer les représentants de commerce le temps d'un weekend non payé.

L'analyse des exposants listée dans le magazine me parait assez parlante.

 

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Alors restons positifs, le dossier n'est pas totalement à jeter, pour celles et ceux qui auront le bon sens de lire entre les lignes il faudra aller regarder le site officiel des arts appliqués, cité dans le dossier, pour trouver une liste de TOUTES les formations de design graphique et d'animation gratuites dispensées par l'éducation nationale.

Et puis les formations privées ne sont pas mauvaises en soi, certaines sont même de très grande qualité mais rappelons que le prix moyen de ces formations tourne autours de 8000€ par an pour des formations de 3 à 5 années...

Commencer sa vie professionnelle en passant dix années à rembourser un prêt étudiant me semble un projet d'avenir assez peu avenant quand des alternatives sont possibles.

Ce que je reproche à Télérama, en fidèle abonné depuis 30 ans, c'est de faire de la publicité à ce modèle économique alors que bien d'autres chemins existent et qu'ils ne sont pas bien compliqués à trouver pour peu qu'on s'en donne la peine, ce que le journaliste n'a manifestement pas fait.

 

 

 

dimanche 22 avril 2018

Naque ta marz

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Une fois de plus je suis bien embêté...

Voilà : j'aurai bien aimé kiffer Mutafukaz, le film, mais je dois avouer qu'il ne m'a pas plu du tout.

Alors bon, oui, les graphismes sont chouettes - dans leur genre hispano-américain graf/rap tattoo/lucha libre/comics, l'animation claque comme il faut, les scènes d'action ont ce qu'il faut d'adrénaline... Mais à aucun moment je ne suis rentré dans cette salade niçoise d'influences graphico-cinématographiques, cette macédoine-kebab au charisme de pizza hawaïenne : on reconnait les ingrédients, ils sont savoureux pris individuellement mais qui aurait l'idée d'aimer un plat où ils sont tous réunis ?

Comme je me sens un peu merdeux de ne pas aimer un film d'animation pour public mature, produit courageusement dans ma région par des artistes talentueux, bin, je vais essayer d'analyser pourquoi.

spoiler alert !


Le film raconte le destin d'un jeune garçon avec une grosse tête ronde noire aux grands yeux, Angelino... Il vit avec un copain squelette, Vince, à le tête en feu et côtoie un relou qui semblerait être une chauve souris, sans aile, avec des dents plates et des bagues dessus (???).

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Les designs étonnent et - première bizarrerie - ne sont jamais expliqués ou motivés. Angelino ressemble à une bill-balle de face (les obus vénères de Mario), il a des paupières qui servent de paupière mais des fois non, Vince ressemble à un méchant de Zelda, on a envie de lui balancer une coup de feuille mojo pour l'éteindre et lui filer un coup d'épée, le feu sur sa tête ne brûle que quand le scénario en a besoin (pour faire un lance flamme avec une bonbonne d'insecticide) mais pas quand il met un bonnet, il mange et boit comme les autres... Mouais. Pourquoi la chauve souris ? Je ne m'explique toujours pas, surtout avec un appareil dentaire alors qu'ils vivent tous dans une misère crasse, mais on va dire que c'est la licence artistique. Enfin... licence étrange quand même parce qu'à part un catcheur à tête de tigre et les méchants extra-terrestres, je n'ai pas le souvenir d'avoir vu d'autres personnages non humain dans le film...

Donc les trois anti-héros sont bizarres mais personnes ne relève leur bizarrerie, acceptée de tous et donc du spectateur.

Ils vivent dans un taudis rempli de cafard apprivoisés (référence probable à Jo's apartment (1996)).

Le taudis est situé dans une ville, mélange de Los Angeles et de Miami, sorte de Vice-city de GTA, peuplée de gangs d'une violence inouïe, sortant le flingue à la moindre occasion, une violence surjouée, improbable dans le sens où il n'y a jamais nulle part de répits, à part peut-être le bus ou le resto. Tellement surjouée qu'on se demande comment tous ces gens sont arrivés à l'âge qu'ils ont.
Sans qu'on sache trop pourquoi (l'accident de scooter ?) Angelino va se découvrir le pouvoir de repérer dans la foule des individus dotés d'une ombre bizarre, genre plancton dans Bob l'éponge.
Bon.
Des "gens" vont s'en rendre compte et ne pas aimer du tout.

Bon.

heu... là j'ai pas bien compris quel danger représentait pour ces "gens" des loosers sans pouvoir ni charisme mais allez savoir. Probablement un potentiel caché et dangereux qui échappe à la logique.
Mais qui nécessite forcément d'envoyer des forces spéciales buter les deux gars. Des armadas d'hommes en noir (avec plaque MIB - référence encore) et de commandos en armures (genre Jin-Roh) déboulent pour une séquence d’assaut d'appartement genre Léon de Besson (une référence de plus), les gamins s'en sortent grâce à des pouvoirs de fou qui se révèlent tout à coup (du type marcher sur les murs comme Naruto).
Bon, je crois que ça va être compliqué de continuer sans noircir des pages, le reste est à base de complot extraterrestre (les "machos"), de catcheurs gardiens de la paix galactique, de pouvoir transformistes destructeurs (Akira, Amer Béton), d'amitié qui prend le dessus et d'amour contrarié.

Il n'y a pas vraiment de personnages féminins dans le film à part une lolita hypersexuée, genre cheerleader brunette pigtail sortie tout droit de pornhub, le film est rempli de mâles badass qui tuent sans état d'âme, en surdose de testostérone.
Le pire, submergé par toutes ces références, c'est que je n'ai même pas vu les deux principales de l'auteur : invasion Los Angeles ou The Thing de John Carpenter.

mais
Pourquoi Angelino a cette grande cicatrice sur le bide ?
Pourquoi les commandos en armure ont la même tête qu'Angelino mais pas les autres machos ?
Pourquoi le macho-chien ? C'est qui au final ? le père ? Il devient quoi ce chien ?
Que s'est-il passé entre l'abandon dans la benne à ordure et l'emploi de livreur de pizza, le bébé a été recueilli ? Par qui ?
Qui sont les parents de Vince ou de la chauve-souris ?
Pourquoi le feu sur la tête de Vince des fois brûle et des fois pas ?
Quel intérêt ont les extra-terrestres à coloniser la terre ?
Pourquoi des catcheurs, c'est quoi leurs pouvoirs à part être des gros balèzes ?
Pourquoi le camion de glace a un moteur de Lamborghini ?
Pourquoi le siège de l'interrogatoire est-il sur une perche au milieu d'un espace plus grand que le stade de France ?
Pourquoi on voit à plusieurs reprises le coeur d'Angelino prendre feu ?
Le méchant à la grosse voix, c'est un macho ? un humain ? Pourquoi il a cette tronche ?

Ce que j'ai bien aimé par contre ce sont les rares inter-titres qui prennent à parti le spectateur. Je trouve que le film aurait eu à gagner à multiplier ces effets typos, pour citer la source BD, pour se moquer de ses faiblesses, les ressorts de scénarios éculés, les citations, pour convoquer la connivence du spectateur-connaisseur.
 
gloubiboulga
Film patchwork, Mutafukaz cite sans vraiment les dépasser des sources éparses, mais plus que des influences j'ai eu l'impression que c'étaient des modèles copiés sans que la mayonnaise ne prenne jamais vraiment.
Probablement trop court pour synthétiser la BD de 600 pages (que je n'ai pas lue), le film est brouillon, confus, inutilement violent, les personnages sont sans charisme, trop de choses sont sans explication, sans logique autre qu'une vision stylistique qui nécessite que le spectateur soit client de cette esthétique, ce que je ne suis pas.
 
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A la fin de l'avant-première les auteurs du son ont témoigné de la grande exigence de Run, le réalisateur, pour la cohérence sonore : le son des douilles à chaque coup de feu, de refroidissement de moteur, de rechargement (c'est assez rare pour le noter : dans ce film les tireurs rechargent leurs armes !), un soucis de réalisme alors que l'univers est farci d'incohérences ou d'arbitraire, c'est un paradoxe que j'ai du mal à comprendre. Y'a une chauve-souris qui parle mais il faut que le bruit du camion soit réaliste ? Hu ?

Comme j'ai du mal à comprendre la multiplication des plans violents, balles dans la têtes répétés, fusillades, flaques de sang.
Et puis si le casting me semble réussi, j'ai quand même l'impression que le ton un peu trainant d'Orelsan contribue à ramollir un peu le rythme du film.

 

Tu es un macho, Harry...

Mutafukaz, est un film pour amateur de fights, de guns, de freaks, de comics, de citations, un morceau de connoisseur. Si vous ne connaissez aucune de ses références, vous pourrez peut-être y trouver votre compte. L'équipe veut faire de ce film le défenseur de l'animation "adulte", un pari audacieux, compliqué à produire et à distribuer. Selon eux l'avenir du genre dépendra de son succès. D'ailleurs quelques critiques le défendent sous cet angle là : sans dire que le film est mauvais, il faudrait aller le voir pour soutenir le genre et espérer en voir de meilleurs dans le futur.

Un discours déjà entendu dans la promo de Last Man.

Je suis un peu désespéré de voir qu'en France l'animation adulte se cantonne à des histoires de baston et de mini-jupes.

On l'a vu pourtant avec Avril et le monde truqué, les Lascars ou plus lointain La planète Sauvage, il y a quand même autre chose à faire que de copier les modèles japonais et américains.

Enfin... j'espère.

Mutafukaz sort en France au cinéma le 23 mai, le mieux c'est encore que vous alliez vous faire votre propre opinion.

dimanche 20 novembre 2016

Uuuiiiii-glerglrr-Ïiiks...

Excusez moi j'ai des reflux acides.

Je voulais parler d'UX.

De quoi ? D'UX.

User eXperience ça veut dire. Mais en fait ça veut rien dire, ou tout dire, c'est selon.

Mais les agences numériques et les créateurs ne font plus que ça, de l'UX, ils ne font plus de site internet, ni d'applications mobiles, voir de graphisme - trop vulgaire tout ça - ils font de l'UX, un nouveau terme un peu magique, un peu obscur, un acronyme-valise plein de mystère (le X, c'est mystérieux), d'anglicisme, d'expertise (pardons : d'eXpertise ! ), une peu coquin (grrrr... le XXX), c'est même les deux dernières lettres de JEUX, tiens... Pi c'est joli quand tu l'écris : y'a un petit récipient tout mignon à coté d'une jolie croix, genre c'est bien là que ça se passe, là où qu'y a la pitite croix.

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Ça n'est pourtant pas grand chose d'autre qu'une merde de bonimenteur de marché, bien clinquante pour le béotien amnésique trop facilement impressionnable. Ça serait brodé sur un costume de super héros que ça n'en aurait pas plus d'effet.

Parce que ces gens qui font de l'UX ne font jamais que la même chose que ce qu'ils faisaient l'année dernière quand ça ne s'appelait pas encore comme ça. Mais là, avec l'étiquette et l'expertise (facturée un peu plus cher), on croirait presque qu'ils font un truc révolutionnaire, moderne, qu'on n'avait jamais pensé avant, un truc de ouf, pro et tout.

UX et Transmédia sont dans un bateau

Tiens... C'est un peu comme le Transmédia. Peu importe que l'écriture trans-média ait existé depuis que les médias existent. Le personnage de Superman se déclinait déjà dans les années 1940 en dessins animés, comics, feuilletons radio, boites de céréales, mais il aura fallu que les tablettes numériques et autres réseaux sociaux fassent leur apparition pour que des génies acculturés nous sortent ça comme une nouveauté : le transmédia.

Et tant que durera cette petite mode bouffonne, pour avoir une subvention, pour lancer un projet, pour avoir la faveur des médias, il faudra être "trans", faire du moderne. Du moderne ancien. Mais moderne. Tu veux faire un film ? Un livre ? Allons, soit sérieux ; fait du transmédia coco.

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Petit exemple d'UX raté : ces sites veulent m'inciter à aller acheter chez eux mais commencent par m'insulter en me traitant de nul... Tout ça parce que leur algorithme n'a pas su repérer mon prénom dans mon adresse...

L'UX, le transmédia, sont à mettre dans le même sac merdeux que le design-thinking, les standup meetings, le responsive design, le flat design, le global design (y'a même un master de Global Design !) de ces dernières années, la disruption, les romans graphiques ou le multimédia des années 80, le marketing des années 60 ou même l'antique fonctionnalisme des années 20 encore qu'à celui-ci on puisse accorder un peu de nouveauté mais pas si sûr si on va chercher dans les prémices du design industriel au XIXe siècle. Ce sont pour la plupart des néologismes un peu pédants, un vernis de camelot qui n'a pour but que de faire passer des vessies analogiques pour des digital-lanterns deux point zéro un peu plus chères que les précédentes.

The best interface is no interface

Le pire étant que ce principe d'User eXperience, qui se targue de prendre la communication du coté de l'utilisateur (et avant, on l'ignorait l’utilisateur ? ho hé...), qui cherche à donner une cohérence entre les différents supports (et avant, on les gérait séparément ? Nan mais franchement...) ne fait le plus souvent que reproduire les mêmes schémas, les mêmes templates tendances, les mêmes fonctionnalités.

Il faut dire que c'est un des principes paradoxaux du design numérique connu depuis des lustres : si vous ne voulez pas que votre utilisateur (le U) soit décontenancé (et donc s'en aille), il faudra que l'expérience (le X) que vous lui proposez soit prévisible. En gros plus le design que vous proposez à U sera standardisé, connu, plus U se repérera, sera dans sa "zone de confort" comme on dit, et continuera à lorgner les tapis que vous voulez lui vendre.

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L'UX c'est ça : un truc de faignasses de hipsters.

Les spécialistes l'ont toujours dit : surtout pas d'originalité ou de nouveauté, réservées aux artistes foufous et aux créateurs de tendances très en avance. C’est pour ça que les premières icônes informatiques reprenaient la forme des fichiers suspendus ou des corbeilles de rangement des employés de bureau et des banquiers auxquels les premiers ordinateurs étaient destinés, c'est pour ça que l'agence d'UX va proposer la même soupe que celle du voisin avec quelques variations : le menu en haut qui se fixe quand on fait défiler la page, des grandes images sur toute la largeur, la mise en page très aérée, des gros boutons rectangulaires en bleu/rouge brique, un défilement différentiel, très peu de texte (non mais vous ne pensez pas que U va LIRE ? ha ha, soyons sérieux), juste quelques pictogrammes "flat design" standardisés et le tour est joué.

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On le voit bien sur la couverture de ce livre UX en couleurs bleu/brique : un site c'est un logo, un menu, des images et des textes... Révolutionnaire !

Ce qui est triste c'est donc que l'expertise de ces soi-disant spécialistes coïncide avec la généralisation du non-design, une standardisation des supports numériques où on assiste à la duplication de wordpress fainéants, reprenant quelques unes des petites nouveautés techniques, parallax scroll, carrousel, chargements asynchrones, animations CSS3...

Et on se rend compte que ce qui distingue un site internet ou une application ou même un jeu d'un autre, bin c'est le graphisme justement, la qualité des photos, des illustrations, les choix typo, les couleurs...

C'est probablement quelque chose dont les graphistes devraient se féliciter si le graphisme était considéré en ce bas monde.

 

 

mardi 4 octobre 2016

cucul bobo de lalaïka

On va pas tortiller du croupion, Laika est quand même un des studios qui porte haut et fort les qualités artistiques de la technique stopmotion. Bon, en même temps c'est pas comme s'il y en avait des quantités, mais depuis Coraline, le studio a baissé progressivement en qualité, difficile en effet de maintenir celle de maître Selick.

J'ai bien aimé ParaNorman, qui joue avec intelligence sur les clichés du Teen Horror Movie avec des scènes vraiment fortes. BoxTroll m'a laissé un peu froid mais je reconnais sa fantaisie. Au moins adapter un auteur jeunesse de qualité (en l'occurrence ici Alan Snow) leur a évité le naufrage du suivant..Parce que Kubo m'a ennuyé et énervé. Les deux.
Pourquoi tant de hargne ?
Pourtant le film touche encore la perfection artistique. Le rendu des poils, les textures, les décors, l'animation, tout y est propre et beau. Trop, probablement. Je rejoindrai presque la chronique que j'avais jugée un peu passéiste de Desseins Animés parce que c'est vrai qu'avec la technique des impressions 3D, sur les visages notamment, l'animation gagne en perfection et perd un peu en humanité. Les communiqués de presse parlent de plus de 14 000 visages pour le seul personnage de Kubo. On est loin des quelques dizaines de bouches raccommodées à la plasticine des premiers Wallace et Gromit.
Si l'animation est faite en 3D pour être imprimée et placée sur des pantins, je ne vois plus trop l'intérêt sinon une sorte de matérialisme pervers. Bon, même Aardman fait comme ça maintenant, y'a pas offense, mais c'est vrai qu'on peut se poser la question.
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Non, ce qui me fait fulminer c'est l'affiche "meilleur film d'animation de l'année" que les andouilles du marketing ont cru bon de mettre dans les sucettes Decaux françaises. Une belle connerie.
Parce que franchement, le film est mauvais. Il est beau, certes, mais si ça suffisait à faire un bon film ça se saurait. Et l'année où on a vu La Tortue Rouge, où on attend Ma vie de Courgette, Louise en Hiver ou même Moana c'est simplement une belle connerie de formule de publicitaire décérébré, extraite d'un blog people sans aucune crédibilité.
Kubo et l'armure magique est un ramassis de clichés bourré d'incohérences artistiques et scénaristiques.
un plastron magique, un casque magique... et mon cul, il est magique ?
Je raconte en spoilant honteusement : un jeune garçon borgne a été sauvé par sa mère avec qui il vit. La séquence d'intro est franchement belle, dans une mer de tempête (3D), la mère fend son chemin d'un coup de guitare magique. Wow. Il se trouve que le grand père (magicien de la lune) voulait piquer les deux yeux du marmot pour... heu... je sais plus trop. Une histoire de jalousie je crois, le grand père étant aveugle.
Le truc c'est qu'il ne faut pas qu'il sorte la nuit sous la lune sinon il sera repéré par le pépé et ses méchantes filles (donc ses tantes). Pour gagner des sous il va mendier avec sa guitare magique. Première incohérence flagrante : il arrive le matin dans le village et embobine tellement la foule qu'elle en oublie de s'asseoir ou de manger jusqu'à la nuit tombante pour écouter une histoire qu'elle a déjà entendue plein de fois puisqu'elle la connaît par coeur ! D'autant que tout le monde trouve super normal qu'il parvienne à faire bouger des origamis avec la magie de son instrument (la guitare). En plus les origamis ne sont pas crédibles en tant que pliages de papier, trop fins, trop articulés, pour être trop réalistes bien sur... Mais bon...
Dans l'espoir de causer avec son père qu'il croit mort, il reste un soir un peu trop tard à une fête au cimetière et évidemment... ses méchantes tantes déboulent.
Sauvé par sa mère qui se sacrifie, le voila perdu dans une quête, accompagnée d'un singe, petite amulette qu'il portait dans sa poche qui s'est incarnée (en fait c'est sa mère... hé), à chercher les trois pièces d'une armure magique : plastron, casque et sabre. Armure qui devrait lui permettre de vaincre son grand père et donc d'avoir la paix.
Mouais.
Ils bivouaquent dans le corps d'une baleine. (Kwaaaa ? On ne sait pas pourquoi, ça doit être une trouvaille cinématographique mais dans le film, ça n'a AUCUN sens...)
Un scarabé-samourai déboule et se joint à eux (??!!?).
Viens, mon fils, nous allons dormir dans cette baleine morte... Heu.. t'es sure ?
Avec la guitare magique ils créent un bateau en feuilles mortes... Hu... Des feuilles genre érable. Un bateau pas spécialement typé. On est en Asie, tout est asiatique mais non, pas de jonque en bambou : une goélette en feuilles d'arbres... Pfff...
Bon, ça m'énerve de raconter. Le combat final contre le grand père monstre est peu convaincant, au moins les parents ne se réincarnent pas, c'est déjà ça.
 
Le film se cloture sur un générique 2D, très loin de celui de Ratatouille qui contrastait avec élégance avec le reste du film en 3D, là le film est élégant, le générique moche.
 
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Le film s'appelle Kubo and the two strings en anglais. Sauf que la guitare magique à TROIS cordes. Le personnage utilise bien un cheveu de sa mère comme une corde à la fin, mais la seconde corde qui reste dans le twist final, bin c'est une corde de la guitare (???!?!?!???!). Ou alors c'est la corde de l'arc du scarabé et j'ai pas bien vu... Ma femme me dit qu'il y a aussi un poil du singe... un loooong poil. Marrant que ça m'ait échappé... Mais le titre est juste incompréhensible. Enfin... si on lit le générique jusqu'au bout on voit que le réal, Travis Knight, dédie le film à ses "deux cordes : papa et maman" et on comprend donc vaguement la nunucherie qui sous-tend le film. 
Ha oui, parce que le scarabé samourai un peu débile, c'est le père en fait. Bin voyons. Y'a six personnages dans le film, donc forcément on s'en doutait un peu...
 
Bref. Infiniment déçu par ce film, pourtant tellement parfait techniquement, bousillé par une histoire convenue, stéréotypée et incohérente.
Encore plus énervé par le battage marketing qui arrose les blogs et youtoubeurs qui font des chroniques à fleurets mouchetés en soulignant la beauté technique et en glissant sur les faiblesses du scénario. Il n'y a plus de critique de film de nos jours et c’est bien dommage. Ou alors on ne veut pas attaquer de grands artistes, ce que sont assurément les équipes de Laika, ou alors les films pour enfant tout le monde s'en tape, et ça aussi c'est assez crédible.
Ça nous rappelle une fois de plus qu'un bon film  c'est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire, comme le veux la formule de Jean Gabin.
 
 
 
 

mardi 8 décembre 2015

culture d'horreur

Premier billet critique des ratiocinations.
Je voulais mettre à plat ici une réflexion qui m'est venue souvent à la vision des quelques séries et films que j'ai pu voir, livres que j'ai pu lire ou jeux que j'ai pu jouer ces dernières années, excusez si c'est un peu brouillon.

Le postulat de départ est le suivant : il y a très peu de serial-killers dans le monde réel alors qu'ils sont hyper-représentés dans les œuvres de fiction.

A la vision de la première saison de True Detective (1), par ailleurs assez brillamment réalisée et jouée - on est bien d'accord, ne m'abreuvez pas d'insultes tout de suite - j’étais très énervé par ce fantasme de la société secrète pédophilo-sataniste (on n'est pas si loin du pédo-nazi qui fait tant pouffer internet) qui se cache dans des bas-fonds fangeux avec l'appui et la complicité de la haute société, perverse et manipulatrice (quoi, je spoile ?)...


Grrr.

Je suis fatigué par ce gloubiboulga complotiste : ces fantasmes illumina-tati et autre conneries de templiers sous-marins. C'est tellement crétin que ça entache l’œuvre et ses autres qualités. Moi ça me gâche le spectacle.
 
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Le vrai scandale n'est pas tant l'existence réelle de telles sociétés - extrêmement rares dans l'histoire (2) - que leur incroyable multiplication dans les œuvres fictionnelles : jeux vidéos, livres policiers, films et séries sont remplis de tueurs en série pervers et de sociétés secrètes manipulatrices et meurtrières à un tel point qu'on pourrait penser que c'est un phénomène courant et commun.
 
Et il n'en est rien.

Ne venez pas me dire que c'est normal qu'on ne les connaisse pas vu qu'elles sont secrètes, si vous - lecteur, permettez que je vous vouvoie - avez été un tant soit peu organisateur d'une activité collective humaine, vous savez combien le monde est rempli d'inertie. Association, groupe de rédaction, collectifs.. pour faire bouger d'un iota un collectif ça demande des efforts considérables. Le cul, la religion ou le fric arrangent peut-être un peu l'enthousiasme initial mais une société secrète active, meurtrière et discrète, j'ai du mal à y croire.
J'aime bien rappeler cette citation de Yourcenar (3)
 
Vous vous exagérez la duplicité des hommes,
la plupart pense trop peu pour penser double.

Oh que oui.

Si on s'en tient à des statistiques au doigt mouillé pour les seuls États Unis : "seulement" un petit millier de tueurs en séries, psychopathes ou illuminés ayant tué plusieurs personnes ont été recensés au XXe siècle. Il y a bien sur eu des tueurs en série en France ; le Dr Petiot, l'Adjudant Chanal et autres Landru. Mais le fait qu'ils soient le sujet d'un culte macabre outre atlantique rend les données plus faciles d'accès.
Si on remet ce chiffre, certes incomplet - après tout il doit y avoir un certain nombre de ces tueurs qui n'ont jamais été recensés ni trouvés - à la hauteur de la population du pays, 300 millions pour la situation actuelle, mais sur tout le XXe, disons trois générations, environ 600 millions (selon les courbes de wikipedia, il y avait 80 millions d'américains en 1900 mais il y a eu des vagues massives d'immigration au début du siècle) ça nous fait un tueur pour 600 000 personnes.
Alors que vous avez une chance sur 70 000 de mourir par une morsure de serpent (chiffres de 2012, 100 000 morts par morsure pour 7 milliards d'habitants). Et il y a pourtant infiniment plus d’œuvres de fiction sur les tueurs humains que sur les serpents...
 
Je sais que ma démonstration est bancale, surtout qu'il faudrait quantifier les victimes plus que les criminels. Je sais aussi que ce qui intéresse les auteurs et scénaristes c'est de dépeindre l'âme humaine. Le tueur en série est en ce sens un motif scénaristique qui interpelle le spectateur, bien plus que l'état psychologique d'une vipère cornue.
surenchères de scénaristes cherche voyeurisme morbide de spectateurs
 
tombraider_bloodbath.jpgNéanmoins je soutiens que les déviations mentales et autres perversions se situent statistiquement plus chez les scénaristes que chez les psychopathes. Parce qu'on est bien d'accord, il y eu des tueurs en série très "créatifs", qui ont boulotté, découpé, équarri, leurs victimes avec un certain sens de la mise en scène, Dahmer (4) pour n'en citer qu'un, mais ça n'est rien en regard de l'incroyable créativité des scénaristes qui vont cumuler chez un seul tueur les perversions de tous, revoyez le Silence des Agneaux (5) par exemple, film qui a fait date dans le culte macabre et fantaisiste.

La banalisation de ces horreurs dans le jeu vidéo me semble avoir également atteint un incroyable paroxysme. Dans le premier Tomb Raider de Square Enix, on voit l’héroïne nager dans une mare de sang qui dégouline de charniers géants. Une piscine de sang frais (ça coagule le sang).. Quand on sait qu'il y a six litres dans un humain moyen, l'équivalent d'un gros saladier.. bon, je ne vais pas plus loin dans la recherche logique... Dans le Mad Max d'Avalanche, jeu que je suis en train d'explorer à l'heure où j'écris ces lignes, le décor est bardé de cadavres frais, démembrés, de baignoires de bidoche humaine sanguinolente... Sans rapport avec l'histoire, juste "décoratifs"... Alors que par ailleurs ces deux jeux sont vraiment chouettes...
 
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Franchement... A quoi ça sert ? Le jeu n'en est pas meilleur, ni plus beau, ni plus violent, ni plus intense... Il contribue par contre à le réserver à un public mature alors qu'objectivement, en tant que jeux d'exploration et de baston, ils seraient accessibles à des ados.
 
Ces phénomènes d'escalade arrivent à imposer une sorte de norme de l'abjection, ça sera à qui proposera le plus d’effets, de sang et de fantaisie dégueulasse. Et fatalement on en devient blasé. Blasé d'horreur.
Je sais bien que le réalisme n'est pas un concept compatible avec le domaine du jeu (encore que j'aimerai bien voir un jour un jeu où un personnage se casse le tibia en tombant d'une chaise ou meure à la première balle), mais qu'il soit aussi souvent absent du cinéma et de la télévision me fait dire que tout cela contribue à ce sentiment de violence latente. Certes l'excès inverse serait tout aussi énervant, mais bon, je ne serais pas contre l'idée qu'on revienne à un peu de modération en la matière.
Je ne demande pas que le cinéma hollywoodien fasse du Rohmer ou du Sautet, je ne suis pas en train d'écrire que la violence rend violent, j'ai juste l'impression qu'on perd un peu de notre capacité à nous offenser, que cette surenchère atténue notre capacité de nous indigner alors qu'inversement, la vraie violence, celle de la vraie guerre, des soldats défigurés, des gamins qui se vident de leurs tripes, des corps décomposés, est presque totalement absente de nos écrans(6).
Les deux sont liés probablement.
 
C'est de la morale ? Ouais, peut-être.
 

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Image de Plonk & Replonk, qui ont parfaitement moqué le fantasme complotiste avec ce montage de la société secrète "qui tire les ficelles". Les images du jeu MadMax sont de moi, mais pas celle de Tomb Raider que j'ai chopée sur le net.
(1) True Detective, première saison, scénarisée par Nic Pizzolatto et réalisée par Cary Fukunaga, HBO, 2014, 8 épisodes d'une heure
(2) Marguerite Yourcenar, L'oeuvre au noir, 1968. Évidemment on notera sous la plume de Yourcenar une ironie dans cette affirmation, elle la place dans la bouche du capitaine, le militaire brutal, pas dans celle de Zénon, l'humaniste persécuté.
(3) Wikipedia en propose une liste. Bien sur on pense au Klan, à la Mafia ou à des sociétés plus inoffensives comme les Francs-maçons..
(4) Jeffrey Dahmer, lire à ce propos l'article Wikipedia et surtout l'excellent livre Mon ami Dahmer, de Derf Backderf, éditions ça et là, 2013
(5) Le silence des Agneaux, réalisé par Jonathan Demme, 1991 déjà... scénario de Ted Tally, d'après le roman de Thomas Harris
(6) A ce propos, le livre War Porn du Photographe Christoph Bangaert, que je n'ai pas lu