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Une fois de plus je suis bien embêté...

Voilà : j'aurai bien aimé kiffer Mutafukaz, le film, mais je dois avouer qu'il ne m'a pas plu du tout.

Alors bon, oui, les graphismes sont chouettes - dans leur genre hispano-américain graf/rap tattoo/lucha libre/comics, l'animation claque comme il faut, les scènes d'action ont ce qu'il faut d'adrénaline... Mais à aucun moment je ne suis rentré dans cette salade niçoise d'influences graphico-cinématographiques, cette macédoine-kebab au charisme de pizza hawaïenne : on reconnait les ingrédients, ils sont savoureux pris individuellement mais qui aurait l'idée d'aimer un plat où ils sont tous réunis ?

Comme je me sens un peu merdeux de ne pas aimer un film d'animation pour public mature, produit courageusement dans ma région par des artistes talentueux, bin, je vais essayer d'analyser pourquoi.

spoiler alert !


Le film raconte le destin d'un jeune garçon avec une grosse tête ronde noire aux grands yeux, Angelino... Il vit avec un copain squelette, Vince, à le tête en feu et côtoie un relou qui semblerait être une chauve souris, sans aile, avec des dents plates et des bagues dessus (???).

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Les designs étonnent et - première bizarrerie - ne sont jamais expliqués ou motivés. Angelino ressemble à une bill-balle de face (les obus vénères de Mario), il a des paupières qui servent de paupière mais des fois non, Vince ressemble à un méchant de Zelda, on a envie de lui balancer une coup de feuille mojo pour l'éteindre et lui filer un coup d'épée, le feu sur sa tête ne brûle que quand le scénario en a besoin (pour faire un lance flamme avec une bonbonne d'insecticide) mais pas quand il met un bonnet, il mange et boit comme les autres... Mouais. Pourquoi la chauve souris ? Je ne m'explique toujours pas, surtout avec un appareil dentaire alors qu'ils vivent tous dans une misère crasse, mais on va dire que c'est la licence artistique. Enfin... licence étrange quand même parce qu'à part un catcheur à tête de tigre et les méchants extra-terrestres, je n'ai pas le souvenir d'avoir vu d'autres personnages non humain dans le film...

Donc les trois anti-héros sont bizarres mais personnes ne relève leur bizarrerie, acceptée de tous et donc du spectateur.

Ils vivent dans un taudis rempli de cafard apprivoisés (référence probable à Jo's apartment (1996)).

Le taudis est situé dans une ville, mélange de Los Angeles et de Miami, sorte de Vice-city de GTA, peuplée de gangs d'une violence inouïe, sortant le flingue à la moindre occasion, une violence surjouée, improbable dans le sens où il n'y a jamais nulle part de répits, à part peut-être le bus ou le resto. Tellement surjouée qu'on se demande comment tous ces gens sont arrivés à l'âge qu'ils ont.
Sans qu'on sache trop pourquoi (l'accident de scooter ?) Angelino va se découvrir le pouvoir de repérer dans la foule des individus dotés d'une ombre bizarre, genre plancton dans Bob l'éponge.
Bon.
Des "gens" vont s'en rendre compte et ne pas aimer du tout.

Bon.

heu... là j'ai pas bien compris quel danger représentait pour ces "gens" des loosers sans pouvoir ni charisme mais allez savoir. Probablement un potentiel caché et dangereux qui échappe à la logique.
Mais qui nécessite forcément d'envoyer des forces spéciales buter les deux gars. Des armadas d'hommes en noir (avec plaque MIB - référence encore) et de commandos en armures (genre Jin-Roh) déboulent pour une séquence d’assaut d'appartement genre Léon de Besson (une référence de plus), les gamins s'en sortent grâce à des pouvoirs de fou qui se révèlent tout à coup (du type marcher sur les murs comme Naruto).
Bon, je crois que ça va être compliqué de continuer sans noircir des pages, le reste est à base de complot extraterrestre (les "machos"), de catcheurs gardiens de la paix galactique, de pouvoir transformistes destructeurs (Akira, Amer Béton), d'amitié qui prend le dessus et d'amour contrarié.

Il n'y a pas vraiment de personnages féminins dans le film à part une lolita hypersexuée, genre cheerleader brunette pigtail sortie tout droit de pornhub, le film est rempli de mâles badass qui tuent sans état d'âme, en surdose de testostérone.
Le pire, submergé par toutes ces références, c'est que je n'ai même pas vu les deux principales de l'auteur : invasion Los Angeles ou The Thing de John Carpenter.

mais
Pourquoi Angelino a cette grande cicatrice sur le bide ?
Pourquoi les commandos en armure ont la même tête qu'Angelino mais pas les autres machos ?
Pourquoi le macho-chien ? C'est qui au final ? le père ? Il devient quoi ce chien ?
Que s'est-il passé entre l'abandon dans la benne à ordure et l'emploi de livreur de pizza, le bébé a été recueilli ? Par qui ?
Qui sont les parents de Vince ou de la chauve-souris ?
Pourquoi le feu sur la tête de Vince des fois brûle et des fois pas ?
Quel intérêt ont les extra-terrestres à coloniser la terre ?
Pourquoi des catcheurs, c'est quoi leurs pouvoirs à part être des gros balèzes ?
Pourquoi le camion de glace a un moteur de Lamborghini ?
Pourquoi le siège de l'interrogatoire est-il sur une perche au milieu d'un espace plus grand que le stade de France ?
Pourquoi on voit à plusieurs reprises le coeur d'Angelino prendre feu ?
Le méchant à la grosse voix, c'est un macho ? un humain ? Pourquoi il a cette tronche ?

Ce que j'ai bien aimé par contre ce sont les rares inter-titres qui prennent à parti le spectateur. Je trouve que le film aurait eu à gagner à multiplier ces effets typos, pour citer la source BD, pour se moquer de ses faiblesses, les ressorts de scénarios éculés, les citations, pour convoquer la connivence du spectateur-connaisseur.
 
gloubiboulga
Film patchwork, Mutafukaz cite sans vraiment les dépasser des sources éparses, mais plus que des influences j'ai eu l'impression que c'étaient des modèles copiés sans que la mayonnaise ne prenne jamais vraiment.
Probablement trop court pour synthétiser la BD de 600 pages (que je n'ai pas lue), le film est brouillon, confus, inutilement violent, les personnages sont sans charisme, trop de choses sont sans explication, sans logique autre qu'une vision stylistique qui nécessite que le spectateur soit client de cette esthétique, ce que je ne suis pas.
 
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A la fin de l'avant-première les auteurs du son ont témoigné de la grande exigence de Run, le réalisateur, pour la cohérence sonore : le son des douilles à chaque coup de feu, de refroidissement de moteur, de rechargement (c'est assez rare pour le noter : dans ce film les tireurs rechargent leurs armes !), un soucis de réalisme alors que l'univers est farci d'incohérences ou d'arbitraire, c'est un paradoxe que j'ai du mal à comprendre. Y'a une chauve-souris qui parle mais il faut que le bruit du camion soit réaliste ? Hu ?

Comme j'ai du mal à comprendre la multiplication des plans violents, balles dans la têtes répétés, fusillades, flaques de sang.
Et puis si le casting me semble réussi, j'ai quand même l'impression que le ton un peu trainant d'Orelsan contribue à ramollir un peu le rythme du film.

 

Tu es un macho, Harry...

Mutafukaz, est un film pour amateur de fights, de guns, de freaks, de comics, de citations, un morceau de connoisseur. Si vous ne connaissez aucune de ses références, vous pourrez peut-être y trouver votre compte. L'équipe veut faire de ce film le défenseur de l'animation "adulte", un pari audacieux, compliqué à produire et à distribuer. Selon eux l'avenir du genre dépendra de son succès. D'ailleurs quelques critiques le défendent sous cet angle là : sans dire que le film est mauvais, il faudrait aller le voir pour soutenir le genre et espérer en voir de meilleurs dans le futur.

Un discours déjà entendu dans la promo de Last Man.

Je suis un peu désespéré de voir qu'en France l'animation adulte se cantonne à des histoires de baston et de mini-jupes.

On l'a vu pourtant avec Avril et le monde truqué, les Lascars ou plus lointain La planète Sauvage, il y a quand même autre chose à faire que de copier les modèles japonais et américains.

Enfin... j'espère.

Mutafukaz sort en France au cinéma le 23 mai, le mieux c'est encore que vous alliez vous faire votre propre opinion.