On va pas tortiller du croupion, Laika est quand même un des studios qui porte haut et fort les qualités artistiques de la technique stopmotion. Bon, en même temps c'est pas comme s'il y en avait des quantités, mais depuis Coraline, le studio a baissé progressivement en qualité, difficile en effet de maintenir celle de maître Selick.

J'ai bien aimé ParaNorman, qui joue avec intelligence sur les clichés du Teen Horror Movie avec des scènes vraiment fortes. BoxTroll m'a laissé un peu froid mais je reconnais sa fantaisie. Au moins adapter un auteur jeunesse de qualité (en l'occurrence ici Alan Snow) leur a évité le naufrage du suivant..Parce que Kubo m'a ennuyé et énervé. Les deux.
Pourquoi tant de hargne ?
Pourtant le film touche encore la perfection artistique. Le rendu des poils, les textures, les décors, l'animation, tout y est propre et beau. Trop, probablement. Je rejoindrai presque la chronique que j'avais jugée un peu passéiste de Desseins Animés parce que c'est vrai qu'avec la technique des impressions 3D, sur les visages notamment, l'animation gagne en perfection et perd un peu en humanité. Les communiqués de presse parlent de plus de 14 000 visages pour le seul personnage de Kubo. On est loin des quelques dizaines de bouches raccommodées à la plasticine des premiers Wallace et Gromit.
Si l'animation est faite en 3D pour être imprimée et placée sur des pantins, je ne vois plus trop l'intérêt sinon une sorte de matérialisme pervers. Bon, même Aardman fait comme ça maintenant, y'a pas offense, mais c'est vrai qu'on peut se poser la question.
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Non, ce qui me fait fulminer c'est l'affiche "meilleur film d'animation de l'année" que les andouilles du marketing ont cru bon de mettre dans les sucettes Decaux françaises. Une belle connerie.
Parce que franchement, le film est mauvais. Il est beau, certes, mais si ça suffisait à faire un bon film ça se saurait. Et l'année où on a vu La Tortue Rouge, où on attend Ma vie de Courgette, Louise en Hiver ou même Moana c'est simplement une belle connerie de formule de publicitaire décérébré, extraite d'un blog people sans aucune crédibilité.
Kubo et l'armure magique est un ramassis de clichés bourré d'incohérences artistiques et scénaristiques.
un plastron magique, un casque magique... et mon cul, il est magique ?
Je raconte en spoilant honteusement : un jeune garçon borgne a été sauvé par sa mère avec qui il vit. La séquence d'intro est franchement belle, dans une mer de tempête (3D), la mère fend son chemin d'un coup de guitare magique. Wow. Il se trouve que le grand père (magicien de la lune) voulait piquer les deux yeux du marmot pour... heu... je sais plus trop. Une histoire de jalousie je crois, le grand père étant aveugle.
Le truc c'est qu'il ne faut pas qu'il sorte la nuit sous la lune sinon il sera repéré par le pépé et ses méchantes filles (donc ses tantes). Pour gagner des sous il va mendier avec sa guitare magique. Première incohérence flagrante : il arrive le matin dans le village et embobine tellement la foule qu'elle en oublie de s'asseoir ou de manger jusqu'à la nuit tombante pour écouter une histoire qu'elle a déjà entendue plein de fois puisqu'elle la connaît par coeur ! D'autant que tout le monde trouve super normal qu'il parvienne à faire bouger des origamis avec la magie de son instrument (la guitare). En plus les origamis ne sont pas crédibles en tant que pliages de papier, trop fins, trop articulés, pour être trop réalistes bien sur... Mais bon...
Dans l'espoir de causer avec son père qu'il croit mort, il reste un soir un peu trop tard à une fête au cimetière et évidemment... ses méchantes tantes déboulent.
Sauvé par sa mère qui se sacrifie, le voila perdu dans une quête, accompagnée d'un singe, petite amulette qu'il portait dans sa poche qui s'est incarnée (en fait c'est sa mère... hé), à chercher les trois pièces d'une armure magique : plastron, casque et sabre. Armure qui devrait lui permettre de vaincre son grand père et donc d'avoir la paix.
Mouais.
Ils bivouaquent dans le corps d'une baleine. (Kwaaaa ? On ne sait pas pourquoi, ça doit être une trouvaille cinématographique mais dans le film, ça n'a AUCUN sens...)
Un scarabé-samourai déboule et se joint à eux (??!!?).
Viens, mon fils, nous allons dormir dans cette baleine morte... Heu.. t'es sure ?
Avec la guitare magique ils créent un bateau en feuilles mortes... Hu... Des feuilles genre érable. Un bateau pas spécialement typé. On est en Asie, tout est asiatique mais non, pas de jonque en bambou : une goélette en feuilles d'arbres... Pfff...
Bon, ça m'énerve de raconter. Le combat final contre le grand père monstre est peu convaincant, au moins les parents ne se réincarnent pas, c'est déjà ça.
 
Le film se cloture sur un générique 2D, très loin de celui de Ratatouille qui contrastait avec élégance avec le reste du film en 3D, là le film est élégant, le générique moche.
 
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Le film s'appelle Kubo and the two strings en anglais. Sauf que la guitare magique à TROIS cordes. Le personnage utilise bien un cheveu de sa mère comme une corde à la fin, mais la seconde corde qui reste dans le twist final, bin c'est une corde de la guitare (???!?!?!???!). Ou alors c'est la corde de l'arc du scarabé et j'ai pas bien vu... Ma femme me dit qu'il y a aussi un poil du singe... un loooong poil. Marrant que ça m'ait échappé... Mais le titre est juste incompréhensible. Enfin... si on lit le générique jusqu'au bout on voit que le réal, Travis Knight, dédie le film à ses "deux cordes : papa et maman" et on comprend donc vaguement la nunucherie qui sous-tend le film. 
Ha oui, parce que le scarabé samourai un peu débile, c'est le père en fait. Bin voyons. Y'a six personnages dans le film, donc forcément on s'en doutait un peu...
 
Bref. Infiniment déçu par ce film, pourtant tellement parfait techniquement, bousillé par une histoire convenue, stéréotypée et incohérente.
Encore plus énervé par le battage marketing qui arrose les blogs et youtoubeurs qui font des chroniques à fleurets mouchetés en soulignant la beauté technique et en glissant sur les faiblesses du scénario. Il n'y a plus de critique de film de nos jours et c’est bien dommage. Ou alors on ne veut pas attaquer de grands artistes, ce que sont assurément les équipes de Laika, ou alors les films pour enfant tout le monde s'en tape, et ça aussi c'est assez crédible.
Ça nous rappelle une fois de plus qu'un bon film  c'est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire, comme le veux la formule de Jean Gabin.