Ugo Bienvenue, étoile de la nouvelle génération d’illustrateurs et de réalisateurs d’animation, le bg de la bd, s’exprime dans la revue “les Arts Dessinés” (juin 2022) et parle de ses débuts.

Je tique évidemment sur les quelques lignes qui concernent son passage dans la formation où j’enseigne depuis 20 ans :

je fais six mois d’animation à l’ESAAT à Roubaix pour une DMA cinéma d’animation avant d’en partir, la faute à des professeurs qui enseignent l’animation sans en avoir jamais fait.

Passons sur la formule désobligeante (et définitive) qui consiste à faire porter la responsabilité de ses propres choix sur les défaillances des autres, Ugo ne manque pas de talent ni de l’arrogance qui va - hélas - parfois avec.
Dans mon souvenir, c'était un étudiant amorphe, dormant sur les tables - au point que c’était devenu un sujet d’inquiétude entre collègues - ne rendant aucun exercice et faisant de toutes façons peu de cas des enseignements donnés à la classe.

Trop talentueux déjà pour profiter de ce qui lui était enseigné à l’époque, trop dépité peut-être d’avoir atterri dans une formation de province après un échec aux prestigieux gobelins parisiens ? Je l’ignore mais dans mes souvenirs il a quitté la formation vers Noël, il faudrait donc plutôt parler de trois mois de formation.

Mais sa formule narcissique peu respectueuse autant que gratuite pointe un sujet qui m’agace depuis des années que j’enseigne et que j’observe les écoles et enseignements en tous genres : pour enseigner un domaine il faudrait être (ou avoir été) un·e professionnel·le de ce domaine. Bon ou mauvais, qu’importe, le passage par les ateliers de fabrication validerait votre enseignement du sceau de la performance et de l’efficience.

Et, évidemment, je ne suis pas d’accord, sinon je ne me fatiguerai pas à écrire cette note.

Je le répéterai toujours : un·e bon·ne professionnel·le ne fait pas toujours un·e bon·ne enseignant·e, et réciproquement.
Enseigner c’est un métier - on dit parfois que c’est le plus beau du monde. Savoir construire une progression, mettre des savoirs et connaissances à la portée d’un public novice, préparer ses cours, évaluer les travaux, conseiller… Mais aussi se former, mettre à jour ses propres connaissances, entretenir des liens avec la profession, organiser des ateliers, des interventions, le tout en essayant de capter l’attention, de ne pas ennuyer, encadrer, accompagner et parfois réorienter, quel que soit le domaine enseigné, c’est un travail à plein temps.

Alors évidemment, surtout dans un domaine technique, il est préférable de savoir de quoi on parle mais un·e professionnel·le aura parfois du mal à hiérarchiser ses connaissances, à les mettre à la portée de son public, à évaluer la progression du groupe, à se remettre en question.

Un exemple pris sur le site d'une école privée

Bien sur, il y a de mauvais profs, comme il y a de piètres professionnels, et évidemment il y a aussi des professionnel·le·s excellent·e·s pédagogues, mais je me refuse à cette équation simpliste de professionnel·le = bon professeur que beaucoup de formations privées affichent et qui ressemblent plus à de l’attrape nigaud.

Donc oui, les enseignant·e·s en animation de l’ésaat ne sont pas toujours des professionnel·le·s, ce sont des enseignant·e·s, expérimenté·e·s, consciencieux·ses, impliqué·e·s, j’ai un profond respect pour elleux - auprès de qui j’ai appris mon métier, ce sont de fins connaisseurs du milieu. Et ça n’est pas facile pour elleux quand on sait combien iels sont livré·e·s à eux-même par une institution peu dynamique à les former.
D’ailleurs l’équipe pédagogique, soudée, est depuis toujours épaulée par des professionnel·e·s - vacataires - intervenant·es dans la formation d’animation : animateurs, boardeurs, scénaristes... dont la présence aura échappé à notre génie démissionnaire.
Et nombreux sont les profils passés par la formation d’animation à l’ésaat qui brillent dans la profession : Pozla, Amélie Fléchais, Kalkair, Alexis Beaumont, Nicolas Athané, Cyril Drouin, Slimane Aniss, Mélanie Duval, Kim Ettinoff, Gilles Cuvelier, Camille André, pour ne citer que quelques ancien·ne·s sans parler des centaines de technicien·ne·s devenu·e·s des professionnel·le·s reconnu·e·s et apprécié·e·s et qui ont su profiter des enseignements de l’équipe de Roubaix.

Ugo n’a pas voulu profiter de la formation ? Grand bien lui fasse. Mais je ne pense pas qu’il n’y ait eu de “faute” de notre côté, juste une incompatibilité d’humeur avec le futur créateur de ces élégants néo-comics amphigouriques.

Dont act.