Excusez moi j'ai des reflux acides.

Je voulais parler d'UX.

De quoi ? D'UX.

User eXperience ça veut dire. Mais en fait ça veut rien dire, ou tout dire, c'est selon.

Mais les agences numériques et les créateurs ne font plus que ça, de l'UX, ils ne font plus de site internet, ni d'applications mobiles, voir de graphisme - trop vulgaire tout ça - ils font de l'UX, un nouveau terme un peu magique, un peu obscur, un acronyme-valise plein de mystère (le X, c'est mystérieux), d'anglicisme, d'expertise (pardons : d'eXpertise ! ), une peu coquin (grrrr... le XXX), c'est même les deux dernières lettres de JEUX, tiens... Pi c'est joli quand tu l'écris : y'a un petit récipient tout mignon à coté d'une jolie croix, genre c'est bien là que ça se passe, là où qu'y a la pitite croix.

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Ça n'est pourtant pas grand chose d'autre qu'une merde de bonimenteur de marché, bien clinquante pour le béotien amnésique trop facilement impressionnable. Ça serait brodé sur un costume de super héros que ça n'en aurait pas plus d'effet.

Parce que ces gens qui font de l'UX ne font jamais que la même chose que ce qu'ils faisaient l'année dernière quand ça ne s'appelait pas encore comme ça. Mais là, avec l'étiquette et l'expertise (facturée un peu plus cher), on croirait presque qu'ils font un truc révolutionnaire, moderne, qu'on n'avait jamais pensé avant, un truc de ouf, pro et tout.

UX et Transmédia sont dans un bateau

Tiens... C'est un peu comme le Transmédia. Peu importe que l'écriture trans-média ait existé depuis que les médias existent. Le personnage de Superman se déclinait déjà dans les années 1940 en dessins animés, comics, feuilletons radio, boites de céréales, mais il aura fallu que les tablettes numériques et autres réseaux sociaux fassent leur apparition pour que des génies acculturés nous sortent ça comme une nouveauté : le transmédia.

Et tant que durera cette petite mode bouffonne, pour avoir une subvention, pour lancer un projet, pour avoir la faveur des médias, il faudra être "trans", faire du moderne. Du moderne ancien. Mais moderne. Tu veux faire un film ? Un livre ? Allons, soit sérieux ; fait du transmédia coco.

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Petit exemple d'UX raté : ces sites veulent m'inciter à aller acheter chez eux mais commencent par m'insulter en me traitant de nul... Tout ça parce que leur algorithme n'a pas su repérer mon prénom dans mon adresse...

L'UX, le transmédia, sont à mettre dans le même sac merdeux que le design-thinking, les standup meetings, le responsive design, le flat design, le global design (y'a même un master de Global Design !) de ces dernières années, la disruption, les romans graphiques ou le multimédia des années 80, le marketing des années 60 ou même l'antique fonctionnalisme des années 20 encore qu'à celui-ci on puisse accorder un peu de nouveauté mais pas si sûr si on va chercher dans les prémices du design industriel au XIXe siècle. Ce sont pour la plupart des néologismes un peu pédants, un vernis de camelot qui n'a pour but que de faire passer des vessies analogiques pour des digital-lanterns deux point zéro un peu plus chères que les précédentes.

The best interface is no interface

Le pire étant que ce principe d'User eXperience, qui se targue de prendre la communication du coté de l'utilisateur (et avant, on l'ignorait l’utilisateur ? ho hé...), qui cherche à donner une cohérence entre les différents supports (et avant, on les gérait séparément ? Nan mais franchement...) ne fait le plus souvent que reproduire les mêmes schémas, les mêmes templates tendances, les mêmes fonctionnalités.

Il faut dire que c'est un des principes paradoxaux du design numérique connu depuis des lustres : si vous ne voulez pas que votre utilisateur (le U) soit décontenancé (et donc s'en aille), il faudra que l'expérience (le X) que vous lui proposez soit prévisible. En gros plus le design que vous proposez à U sera standardisé, connu, plus U se repérera, sera dans sa "zone de confort" comme on dit, et continuera à lorgner les tapis que vous voulez lui vendre.

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L'UX c'est ça : un truc de faignasses de hipsters.

Les spécialistes l'ont toujours dit : surtout pas d'originalité ou de nouveauté, réservées aux artistes foufous et aux créateurs de tendances très en avance. C’est pour ça que les premières icônes informatiques reprenaient la forme des fichiers suspendus ou des corbeilles de rangement des employés de bureau et des banquiers auxquels les premiers ordinateurs étaient destinés, c'est pour ça que l'agence d'UX va proposer la même soupe que celle du voisin avec quelques variations : le menu en haut qui se fixe quand on fait défiler la page, des grandes images sur toute la largeur, la mise en page très aérée, des gros boutons rectangulaires en bleu/rouge brique, un défilement différentiel, très peu de texte (non mais vous ne pensez pas que U va LIRE ? ha ha, soyons sérieux), juste quelques pictogrammes "flat design" standardisés et le tour est joué.

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On le voit bien sur la couverture de ce livre UX en couleurs bleu/brique : un site c'est un logo, un menu, des images et des textes... Révolutionnaire !

Ce qui est triste c'est donc que l'expertise de ces soi-disant spécialistes coïncide avec la généralisation du non-design, une standardisation des supports numériques où on assiste à la duplication de wordpress fainéants, reprenant quelques unes des petites nouveautés techniques, parallax scroll, carrousel, chargements asynchrones, animations CSS3...

Et on se rend compte que ce qui distingue un site internet ou une application ou même un jeu d'un autre, bin c'est le graphisme justement, la qualité des photos, des illustrations, les choix typo, les couleurs...

C'est probablement quelque chose dont les graphistes devraient se féliciter si le graphisme était considéré en ce bas monde.